Un mot sur Terri Rose…

Portraits de Shoah
par Bernard Perroy

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© article paru dans le mensuel « Feu et Lumière » n°259, mars 2007

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Terri Rose a peint 37 tableaux intitulés Portraits de Shoah. Ils nous transmettent ce que l’artiste porte sans doute en elle de plus profond. Ils viennent nous rejoindre dans ces mêmes profondeurs où tout se décide, d’abord pour nous-même, mais aussi pour l’humanité…

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Shlomo, Vania, Sal et Mendel – © Terri Rose


Terri est née aux U.S.A. d’une mère juive aux ascendances autrichiennes et d’un père polonais immigré. Elle se souvient de son enfance marquée par une pesanteur, une lourdeur, non forcément exprimée… « Plus tard, dit-elle, j’ai compris tout l’héritage de ce poids dû au passé de ma famille dont beaucoup sont morts dans les camps de concentration. »

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Une immense boîte

Terri se met alors à enquêter sur sa généalogie ; elle regarde sur internet le Yiskor Book (Yiskor : prière pour les morts). « Je n’ai rien trouvé sur ma famille, dit-elle, mais j’ai découvert tous ces milliers de noms défilant sur l’écran… ». Un déclic s’est fait en elle : « Ce ne sont pas seulement des noms ; derrière ces noms, c’est le mystère de vies entières ! » C’est comme cela que des visages lui sont apparus en imagination : « En peignant, c’était comme si des gens avaient envie de venir et venaient !… Ces visages ont chacun leur histoire. » Mais Terri insiste pour dire que ces portraits sont tous imaginés et qu’elle ne s’est appuyée sur aucun document, aucune photographie ; seulement sur ces listes interminables de prénoms.


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Le départ – © Terti Rose


Elle sort une immense boîte, comme une boîte d’anciennes photos ou de chocolats ! Elle en sort délicatement un premier portrait emballé dans du papier fin, puis un autre… et les commente tour à tour : « Celui-là, c’est un rabbin, un résistant ! (…) Olga, c’est une Russe (…) Ça c’est un couple qui se dit au revoir (…) Esther, dans la chambre à gaz, se déshabille, un peu pudique, car elle est tout de même jeune, elle a honte en même temps qu’elle se sait belle : c’est un moment ambigu… ». Et l’on découvre ainsi, avec beaucoup d’émotion : le voleur de pain, Alex le violoniste, le Muselmann (terme des camps pour désigner les gens devenus comme des morts vivants : « Ils sont là de corps, mais leur esprit est déjà un peu parti »). Et puis, il y a cette petite fille d’Auschwitz ou des tableaux manifestant la violence reçue, la peur, la faim, la honte ou la solitude, avec cette tête penchée, repliée comme sous le poids d’un immense fardeau… La couleur bleue – « rare chez moi ! » précise Terri – confirme l’intensité du sentiment…


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La solitude – © Terri Rose


Des êtres à part entière

« J’ai ici une façon de peindre que je n’avais pas avant. » Terri s’adonnait alors à quelque chose de plus “design”, laissant moins de place au sentiment. De ces Portraits de Shoah – représentant parfois des situations extrêmes – se dégage beaucoup de gravité, mais il n’y a jamais rien de morbide. Ce sont des regards intenses, percutants, sur des visages souvent décharnés, dans lesquels subsiste malgré tout une étincelle de vie. Pour Terri, ces portraits ont été un moyen d’exorciser ce passé si lourd, d’en parler, d’être apaisée.


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Le Ghetto – © Terri Rose


Terri parle d’Ana, d’Élie, de Chaïm, de Babouchka, de Shlomo… comme si elle les connaissait, les aimait. Ils sont devenus à ses yeux des familiers et des personnes à part entière ! On retrouve par exemple Alberto par deux fois : Il deviendra fou ; Vania revient également dans un autre tableau : Il survivra au camp… Pour Terri : « Le grand artiste, c’est le Créateur qui transmet le beau avec tant d’amour et qui n’est pas dans ce que les hommes ont fait de lui !.. Et je me sens comme un outil vis-à-vis de cela. » L’artiste a la satisfaction d’avoir fait ici une œuvre importante pour elle-même avec ce sentiment d’avoir vécu “le grand rendez-vous qu’il ne fallait pas rater ! »


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Lever du jour – © Terri Rose


Au-delà du caractère purement personnel de l’œuvre, ce travail est devenu un “outil pédagogique” (1). Dépassant toute idéologie, culture ou religion, Terri désire œuvrer pour la paix : « Je souhaite que mon travail ne soit pas une iconographie de la tristesse, mais un véhicule vers une vraie réflexion sur la condition humaine pour les générations à venir… ».

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(1) Portraits de Shoah est une exposition itinérante (non à vendre) qui s’adresse – à la demande – à tous : scolaires, galeries, lieux de culte de toute religion, autres… (Tél. 02.41.95.50.02. / 06.77.49.86.05.)

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Biographie succincte

- Née à New York en 1962, vit en France depuis 1982 ; mariée, mère de deux enfants ; fût élève au Hight School of Art and Design et à l’Adelphi University de N.Y.C. ; voyage ou séjourne en Israël, Afrique, Europe…
– À Paris, exerce jusqu’en 1994 dans les métiers de la publicité et du décor de théâtre, puis décide de se consacrer exclusivement à la peinture ; s’installe en Anjou.
– Travaille souvent sur des séries : « Les natures mortes” (sur toile), “Portraits de Shoah” (sur carton), “Les nus” (monochromes). Travaille actuellement sur une série de paysages…


© article paru dans le mensuel « Feu et Lumière » n°259, mars 2007
(voir en marge à droite dans « Albums photo dans « Albums photos« )

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