- deux « suites » offertes à Slimane -
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peinture de Slimane – © Slimane Ould Mahan
Je voudrais tant
descendre du livre,
des mots,
pour aller me loger
dans la corbeille des rencontres,
des regards et des visages épars
qui vivent de peu
mais caressent d’un espoir toujours renouvelé
les couleurs du temps
comme pour prendre
un bol de flamme vive ou de respiration
avant que de retourner
dans leur solitude,
chacun chez soi,
ou deux par deux,
avant que de retourner
dans l’anonymat
des affaires quotidiennes
prises dans le filet des heures
et du silence qui secrètement,
par en dessous,
maintient
toute chose…
…
J’aimerais tant
livrer
tout mon être
au chant qui enchante de ses mots et de son vol mélodieux
toute chose,
ce qu’on voudrait toucher du doigt
comme on invente des formes et des couleurs,
comme les replis d’un conte épais de cris
et de pleurs et de joies
et de toutes ces cabrioles qui défieraient,
parmi les vagues multiformes du temps,
toute uniformité,
toute immobilité
de l’âme…
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peinture de Slimane – © Slimane Ould Mehan
Comment passer la frontière
depuis les mots d’avant,
les pas d’hier,
les jarres connues par cœur,
par le toucher et par le poids,
et qu’on apprend à remplir
depuis qu’on est enfant,
jusqu’aux lendemains situés
de l’autre côté du temps,
jusqu’aux mots qu’on accouche
comme on fabrique une échelle
pour passer sur l’autre rive ?
Comment passer la frontière
depuis ces choses-ci
jusqu’à ces choses-là peut-être identiques
aux premières
mais qui nous semblent
pourtant si lointaines
tant que nous ne les avons pas encore
touchées
du doigt,
du pied,
du cœur fragile mais têtu
comme un âne
qui se laisse ballotter,
alourdir par les soucis du passé
et les peurs du lendemain ?
Mais il chante ce coeur,
à qui veut l’entendre,
et son chant fabrique des mélopées,
des psaumes ouverts
sur la nostalgie du futur
imprégnant déjà le présent,
épaissi d’un passé rafraîchi…
Il chante
et bois le suc
d’un ciel jaune orangé
qu’on dirait presque
venu rien que pour lui…
…
Comment passer
d’un bord à l’autre
jusqu’au cœur du cœur
qui se trouve en filigrane
de tout ce qui va
sans que les yeux puissent suivre ?
Bernard Perroy
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(pour connaître davantage l’oeuvre de Slimane : voir dans la catégorie “Albums photos” ainsi que l’accès à son site parmi la liste des Liens)
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