L’arbre serait-il le miroir de nos vies “plantées” entre terre et ciel ? Le miroir reflète-t-il l’arbre ? Tout dépend où il se place. Près de la fenêtre ou près du coeur, le miroir peut alors devenir cette « lucarne » ouverte sur les arbres de nos vies, arbres réels ou imaginaires…
C’est ce qu’à fait Nathalie Billecocq en nommant “Miroir pour l’arbre” ses toiles devenues “miroirs” admirables… Elle y peint ce qu’elle appelle ses “gribouillages”, sans vouloir se prendre trop au sérieux, avec toujours cette composante “ludique”… Et pourtant, ces arbres si divers parlent à nos coeurs… Arbres “paysages” d’ailleurs… Paysages des circonvolutions et des ramifications de nos coeurs, de nos êtres intérieurs, en toute liberté et poésie…
Bernard Perroy les a côtoyés, ces “miroirs”, s’en est pétri, les “commente” et les “accompagne” à sa manière, avec la “matière” de ses mots… Expérience visuelle que cette expérience d’écriture… Et expérience tout aussi “ludique”, quand le jeu prédispose à mieux “explorer” tous ces paysages, tous ces arbres, tous ces miroirs. Les mots à leur tour deviendraient-ils les “miroirs” des ces “Miroirs pour l’arbre“ ?
En espérant que le “tout” vienne également vous parler, nous vous offrons ces peintures et poèmes inédits avec plaisir…
Alors Bon Voyage !
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Carré de couleurs © N. Billecocq
… carré de couleurs, tapisserie végétale, les branches zèbrent l’azur et se rencontrent comme si les arbres s’embrassaient… La pluies des feuilles pointille l’espace qui se défait ainsi de la seule verticalité des troncs… L’opulence de la création pour nos yeux ébahis, silence nourri d’un bain de jaune et ocre dans l’océan d’un bleu profond …
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Dans tout ce dédale © N. Billecocq
Dans tout ce dédale, il te revient à la mémoire une ville
ou plutôt un village et sa vie remuante
dans le creux des ruelles
quand la chaleur commence à s’évaporer
aux premières heures du soir…
Pays de roches, d’escarpements,
rassasient ton regard d’homme encore enfant
puisque c’est là le lieu de ton village natal…
On n’entend plus que la pierre tisser avec l’air une musique d’été
quand la nuit s’apprête à accueillir tous ces lampions domiciles,
ces lucarnes de vie, ces intérieurs où tout à coup,
loin des sueurs du désert saharien,
il fait bon vivre…
(un village imaginaire, quelque chose comme Ghardaïa dans le M’zab)
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Quand je sèche… – N. Billecocq
Quand je sèche sur la corde
Je ris,
je pars,
j’attends,
je ne ronge pas mon frein,
mais j’envisage
à travers mon visage
de vous donner ma vie
à voir,
enfin ce qu’il me vient
par instant
de mots ou de sourires
à travers la fenêtre de mes yeux
grands ouverts…
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L’arbre éclabousse – N. Billecocq
…L’arbre éclabousse de lumière comme une traînée dans la nuit, un éclair allant de la nuit à la nuit par les zébrures de ses branches translucides. Arbre de porcelaine, de bois blanc, de bois neige, de bois luisant comme le ver, vibrant à l’évocation des ritournelles que l’on se répète en marchant dans la nuit pour se réchauffer l’âme et le corps et le cœur… Nuit merveilleuse couvant ses braises comme l’on protège en soi la promesse d’une aube nouvelle…
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Rouge 2 © Nathalie Billecocq
Arbre,
tu apparais
dans le ciel-paysage rouge,
comme couleur-flamme
presque blanche en filigrane,
ou bien
tout fait-il miroir
à l’incandescence du coeur ?
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Je me tiens en silence… © N.Billecocq
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Je me tiens en silence
devant l’ordre des troncs
qui s’élancent paisibles et droits.
Ils s’en vont rejoindre,
avec toute la légèreté du monde,
ces entrelacs de branches
aux traits si fins dont la couleur ébène
se transforme en dentelle…
Je me tiens en silence
quand je vois les arbres
se détacher sur fond de sable,
comme ils le font en Sologne,
s’entremêlant sous le calme apparent
- pour quel degré de misère
ou de gloire ? -
avec ces quelques coulées d’or
ou de sang…
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Nuit plus claire… © N. Billecocq
… ô nuit plus claire que le jour, nuit qui cède le pas à cet éparpillement d’astres, à cette voie lactée multicolore qui rehausse encore davantage tout ce vertige d’espace et de profondeur… Et que ferais-je de tout cela, pour quelle ode, pour quelle insomnie, quelle correspondance, quel partage silencieux, insolite, nourricier, entre le ciel qui s’ébat là devant moi et celui tout aussi faste qui se niche dans la nuit abyssale de mon coeur ? …
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L’été © N. Billecocq
… l’été disparaissait, mais dans un coin marchait l’enfant parmi les tiges et les troncs, les fenêtres du temps ouvertes ou fermées, les bois de senteur et les contes que l’on se raconte avant de s’endormir, tant et tant que le soleil ou la lune jaune-abeille sont entrés dans sa tête et son coeur… pour longtemps dans la nuit, et pour quel autre jour à venir ?
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Forêt silencieuse © Nathalie Billecocq
Forêt silencieuse,
il neige sur toi
tant de paix
malgré le rouge sang
et les ocres de tes feuilles,
ces troncs devinés,
couleur nuit, cachés dans l’ombre
mais dont la sève bruit
nuit et jour en témoignant de la vie
et de sa lente obstination…
© peintures Nathalie Billecocq / textes Bernard Perroy